Sous les rues pavées de Paris s’étend un monde parallèle, silencieux, labyrinthique et chargé d’histoire : les catacombes. Peu de visiteurs de la capitale soupçonnent que, sous leurs pieds, se trouve un réseau souterrain de plus de 300 kilomètres de galeries, dont seules quelques parties sont accessibles au public.
Tout commence il y a plus de deux millénaires, à l’époque où Lutèce — l’ancêtre de Paris — se construit. Les Romains, ingénieurs visionnaires, extraient une pierre calcaire tendre mais robuste : le « calcaire lutétien ». Cette roche est omniprésente dans les bâtiments historiques parisiens, des fondations de Notre-Dame jusqu’aux maisons haussmanniennes. Mais ce que la ville gagne en surface, elle le perd en solidité : les souterrains s’effritent, deviennent instables, menaçant d’engloutir la ville elle-même.
Au XVIIIe siècle, Paris est confrontée à un autre fléau : la surpopulation de ses cimetières. Le Cimetière des Innocents, en plein cœur du quartier des Halles, déborde. Les corps s’entassent, les fosses communes ne suffisent plus, les épidémies se propagent, et les Parisiens suffoquent... littéralement. En 1780, une pluie torrentielle fait s’effondrer les murs du cimetière, libérant des cadavres dans les rues. L’insupportable devient visible.
La réponse vient d’un homme : Charles-Axel Guillaumot. Nommé premier inspecteur des carrières de Paris, il initie un chantier titanesque : consolider les galeries effondrées, cartographier les souterrains, et... transformer les carrières abandonnées en ossuaires. Dès 1786, des millions d’ossements sont transférés dans ces entrailles, de nuit, dans le plus grand silence, accompagnés de rites religieux. Le réseau prend peu à peu le nom de Catacombes, en référence aux sépultures romaines antiques.
Aujourd’hui encore, on estime que les catacombes accueillent les restes de plus de six millions de personnes : rois et roturiers, révolutionnaires et écrivains, tous anonymement réunis dans l’obscurité. Des inscriptions philosophiques ornent les murs (« Arrête, c’est ici l’empire de la mort »), et les crânes, soigneusement agencés, rappellent la fragile condition humaine.
Pourtant, ce que le public peut visiter — à peine 1% du réseau — n’est qu’un avant-goût. Car au-delà des murs surveillés, un monde secret existe. Les catacombes illégales, surnommées par les initiés « catas », abritent des salles cachées transformées en salles de concert, en cinémas clandestins, en galeries d’art éphémères. Des fresques, des sculptures, des graffitis ou même des labyrinthes sculptés à la main témoignent d’une culture underground bien vivante.
L’exploration de ces lieux relève presque du mythe. Les cataphiles, ces explorateurs passionnés, s’y aventurent la nuit, armés de plans griffonnés, de bottes, de lampes frontales et d’un profond respect pour les lieux. Certains cartographient, d’autres photographient, beaucoup se perdent — parfois au sens propre.
Et aujourd’hui, une nouvelle forme d’exploration s’ouvre à tous grâce aux technologies immersives. Grâce au WebXR, il est désormais possible de faire apparaître chez soi une salle interdite des catacombes, en réalité augmentée ou réalité virtuelle. Il suffit d’une carte, d’un QR code ou d’un casque pour traverser le temps et la pierre.
Ainsi, ce patrimoine fragile, autrefois réservé à une élite d’explorateurs nocturnes, s’ouvre au monde entier. L’histoire des catacombes est une ode à la mémoire, à la transformation de l’espace et à la relation intime entre l’homme, la mort et la ville. Une exploration aussi physique que métaphysique.
Beneath the elegant streets and monuments of Paris lies an invisible world: a shadow city carved in stone, silent and mysterious — the Paris Catacombs. Spanning over 300 kilometers of tunnels, this underground network is one of the most fascinating and haunting remnants of human history.
It all began in antiquity. As early as Roman times, builders extracted Lutetian limestone from the Parisian subsoil to construct temples, baths, and roads. Over the centuries, this quarrying intensified. By the Middle Ages, much of Paris sat atop a hollowed-out honeycomb of voids, which grew increasingly unstable.
In the 18th century, another problem emerged: the city’s cemeteries were overwhelmed. The Cemetery of the Innocents, in particular, overflowed with human remains. In 1780, heavy rains collapsed a burial wall, unleashing rotting corpses into the streets. The stench, the disease, and the horror pushed Paris to act.
Enter Charles-Axel Guillaumot, appointed as Paris’s first Inspector of Quarries. He was tasked not only with preventing the collapse of the city but also with a morbid mission: converting the abandoned quarries into a massive underground ossuary. Beginning in 1786, millions of bones were relocated at night, in sacred ceremonies, and arranged into walls of skulls and femurs — a macabre yet strangely artistic display of mortality.
Today, the official catacombs open to the public contain the remains of more than six million Parisians. The experience is both poetic and chilling. Quotes like “Stop! This is the empire of death” remind visitors of the thin veil between life and eternity.
But these visible catacombs represent only 1% of the entire network. Deep beyond the monitored paths lies an unofficial realm known to urban adventurers as “the catas.” Secret rooms have been converted into underground cinemas, concerts, art studios, and more. Graffiti, mosaics, sculptures, and even hidden bars exist in the shadows.
The bold few who explore these forbidden passages — known as cataphiles — navigate using hand-drawn maps, waterproof boots, and an unshakable reverence for the underworld. Some get lost. Some never return. The catacombs demand respect.
In recent years, however, the digital age has introduced a new way to explore. With the advent of WebXR technology, anyone can now project hidden rooms of the catacombs into their own space using augmented or virtual reality. With just a card, a QR code, or a headset, users can unlock forgotten history from the comfort of their living room.
The catacombs are no longer just a burial ground — they are a mirror to Paris's past, a tribute to the forgotten, and a beacon for future generations. In this convergence of history, architecture, death, and digital resurrection, the Paris Catacombs continue to evolve, inviting us to descend not only beneath the earth… but into ourselves.